Soutien au Soutien®
" Tel qui veut soutenir a lui-même besoin d'être soutenu "
Naissance du Soutien au Soutien®
En 1973, lors d'une réunion de travail, une enseignante s'exclame :
" Vos considérations intellectuelles ne m'intéressent pas pour l'instant. Je suis préoccupée par le cas d'un enfant."
Jacques Lévine fait sienne sa demande et improvise la séance fondatrice du Soutien au Soutien.
Qu'est-ce qu'un groupe de Soutien au Soutien®
Origine
Imaginé pour les enseignants dans les années 1970 par le psychologue et psychanalyste Jacques Lévine, le Soutien au Soutien correspond à l’idée que ce n’est pas du tout facile d’enseigner, que l’enseignant a besoin de comprendre « comment ça se passe » dans la tête des enfants qu’il voudrait aider à grandir dans toutes les dimensions : apprentissage, relations sociales... Souvent il réussit à les aider, mais parfois il a l’impression de ne pas y arriver, le sentiment qu’il ne peut plus rien faire. L’enseignant qui soutient les élèves dans leurs efforts a lui-même besoin d’être soutenu ; c’est la compréhension de ce que vit l’enfant et, partant de là, l’identification de pistes d’action possibles qui va l’aider.
Cette idée, née dans le monde de l’éducation, est également valable pour d’autres métiers que l’on appelle les métiers du lien où la dimension relationnelle est essentielle. C’est ainsi que Le Soutien au Soutien est proposé aujourd’hui dans le domaine médico-social, par exemple.
Déroulement
Le groupe s’installe
Imaginons un groupe d’une dizaine de personnes réunies pour ce travail, parfois un peu plus ou un peu moins, avec un animateur ou une animatrice. Toujours formé à la méthode du Soutien au Soutien, l’animateur est sensibilisé aux phénomènes de l’inconscient et formé à l’écoute psychanalytique ; il a souvent une expérience personnelle de la psychanalyse, voire est lui-même psychanalyste.
Ces personnes s’engagent à participer régulièrement au groupe qui va se réunir selon un rythme défini d’un commun accord.
Des contrats, présentés au départ, doivent permettre que ce travail se déroule dans un espace « hors menace » car ils favorisent l’établissement de relations de confiance entre tous :
- volontariat pour participer au groupe
- confidentialité par rapport à tout ce qui se dit
- non jugement, non conflictualité : cela signifie que l’on ne sera pas sur le registre des débats, de la confrontation / argumentation pour faire valoir son point de vue ou convaincre. On cherche à comprendre ce qui se passe dans la situation étudiée et chacun apporte sa contribution à cette recherche, les différents éclairages étant posés les uns à côté des autres sans débat
- solidarité dans le travail : chacun fait sienne la situation de la personne qui expose et s’expose.
L’animateur, pour sa part, veille au respect de ces contrats, et participe à la réflexion du groupe à égalité avec ses membres.
Une situation est exposée
C’est dans le cadre défini par ces règles que, à chaque séance, le groupe se penche sur une (voire deux) situation apportée par un participant. C’est une situation vécue, par exemple un épisode qui a laissé la personne insatisfaite, ou des difficultés d’élèves qui la confrontent à un réel sentiment d’échec.
Dans un premier temps, le groupe écoute la personne décrire cette situation sans intervenir. En faisant ce récit, composé d’allers-retours chronologiques, de répétitions, d’éléments factuels mais aussi de ressentis, de plaintes peut-être, la personne se décharge petit à petit de pensées et d’affects qui l’encombraient. Elle prend déjà un peu de distance avec la situation.
Une fois le récit terminé, le groupe demande souvent des informations complémentaires, par exemple une description de la personne (élève ou adulte) qui est au centre de la situation, pour arriver à bien se représenter et s’approprier cette situation.
Chercher un sens
Ensuite commence la recherche « d’intelligibilité » de ce qui se joue dans la situation. La spécificité du Soutien au Soutien est de se pencher en priorité sur la (ou les) personnes qui ont posé problème à l’exposant ; c’est souvent un enfant ou un adolescent, parfois aussi un adulte. On imagine ce que peut ressentir celui ou celle dont il est question dans la situation, par exemple cet enfant qui ne parvient pas à apprendre à lire, cet autre qui ne peut rester en place, cet adolescent qui conteste agressivement son enseignant, ce parent qui... Dans cette exploration de la façon dont « l’autre vit sa vie », le groupe s’appuie sur le concept d’écoute tripolaire qui postule que chacun porte en soi à la fois une dimension blessée, une organisation dérangeante développée en réponse aux blessures mais aussi une dimension intacte de vie.
Chacun propose des hypothèses à partir de son propre vécu, de ses expériences et connaissances professionnelles, d’une façon très libre et créative. L’expérience montre que ces hypothèses dessinent le plus souvent un tableau vraisemblable de ce que vivent les protagonistes de la situation et que le regard porté sur la personne qui pose problème en est changé.
Et maintenant, que peut-on faire ?
À partir de là, le groupe peut proposer des pistes pour que la situation s’améliore, retrouve une dynamique s’il y avait blocage. Là encore, chacun mobilise son expérience et sa créativité pour faire des propositions adaptées à ce que l’on a mis au jour dans le temps de l’intelligibilité.
Pour terminer, la personne qui a apporté la situation peut dire, si elle le souhaite, comment le travail du groupe éclaire, voire transforme maintenant la situation et si les propositions faites lui semblent possibles à mettre en œuvre.
À chaque séance, il est aussi proposé de faire un suivi du travail de la séance précédente, ce qui permet de voir si les hypothèses faites par le groupe ont été validées, si la situation a pu évoluer, et parfois de reprendre la réflexion avec de nouveaux éléments.
Au total, chaque séance de Soutien au Soutien dure le plus souvent 2h30 à 3h.
Une éthique de la relation
Le Soutien au Soutien est donc une co-réflexion sur un mode horizontal, sans « expert » qui en saurait plus et aurait une réponse à apporter au problème posé. L’animateur peut simplement faire parfois un point théorique à partir des écrits de J. Lévine ou d’autres auteurs auxquels la situation fait écho. C’est un travail « entre pédagogie et psychanalyse ». Si on se réfère principalement à ces deux champs théoriques, ce n’est pas pour « interpréter » ce qui est dit par telle ou telle personne du groupe mais pour comprendre les phénomènes en jeu dans la croissance d’un enfant et dans sa façon d’entrer en relation avec les autres.
L’animateur utilise un « langage intermédiaire », qui n’est ni un langage psychanalytique ni tout à fait un langage de tous les jours, pour évoquer les phénomènes de l’inconscient inévitablement présents dans toutes les relations interpersonnelles ou de groupe. Ce langage, dit Jacques Lévine, « parle à l’intelligence et à la sensibilité relationnelles des participants du groupe [qui] sont parfaitement capables d’imaginer que sous les routes visibles du psychisme circulent des routes invisibles » qui ont des effets et auxquelles on peut donner un nom.
La méthode du Soutien au Soutien enclenche un processus de pensée, qui procure aux participants un véritable plaisir, celui de penser, de tenter d’approcher ce qui restait énigmatique, plaisir augmenté d’être partagé avec d’autres. Cela procure un réel ressourcement, une remise en dynamique professionnelle, disent souvent les participants.
Au-delà de ces effets immédiats, la centration sur la compréhension de « la logique de l’autre », celui qui pose problème, transforme la « pratique relationnelle » : Jacques Lévine parlait d’une introduction « à une nouvelle éthique de la relation ».
Comme dans le travail proposé aux médecins par le psychanalyste Michael Balint, dont le Soutien au Soutien est une adaptation, ce travail amène chez les professionnels « un changement limité quoique considérable » dans la façon d’exercer leur métier.
Enfin, disent les participants aux groupes, on fait l’expérience qu’« on n’est plus tout seul, et cela, c’est essentiel ».
ICI on peut trouver des témoignages sur le Soutien au Soutien par des personnes qui l'ont vécu dans les groupes
Pour compléter...
L'analyse de Jacques Lévine dans les années 1990
L’AGSAS tente, pour sa modeste part, de trouver et porter remède aux dysfonctionnements que l’évolution des structures familiales et sociales a générés, à l’intérieur du système scolaire : des processus de déstabilisation et de dé-liaison auxquels personne ne pouvait se prétendre préparé. Des obstacles de types entièrement nouveaux et encore mal identifiés perturbent le développement cognitif et relationnel des élèves et induisent chez les enseignants un doute sur leur capacité à éduquer. Entre la formation des enseignants et les problèmes à résoudre, l’écart est devenu tel que des lieux de réflexion sont apparus à beaucoup comme indispensables ».
L’AGSAS propose depuis les années 1970 de tels lieux : les groupes de Soutien au Soutien. Ce sont des groupes adaptés de la méthode que le psychanalyste Michael Balint a conçue pour les médecins ; ils réunissent des professionnels du système éducatif et un animateur, pour travailler sur les insatisfactions, les problèmes... ou les réussites que ces professionnels rencontrent sur leur terrain. Le travail vise essentiellement la compréhension des situations exposées, à travers l’exploration de la « logique » animant chacun des protagonistes de cette situation et ouvre des perspectives de modification.
Pour aller plus loin...
vous pouvez télécharger le texte ci-dessous
La restauration du narcissisme, finalité de l'appareil groupes Soutien au Soutien (2002, puis 2003)
vous pouvez lire :
Prévenir les souffrances d'école. Pratique du Soutien au Soutien, Jacques Lévine , Jeanne Moll, ESF, 2009
Ils en parlent...
Le 11 février 2021, le journal Libération analyse une étude Ipsos sur les enseignants, et fait un article sur les "groupes de parole plus ou moins informels pour partager des astuces, décompresser ou se serrer les coudes".
Parmi ces groupes, le Soutien au Soutien. À lire ici
Le 3 février 2021, au cours d'une webconférence pour l'académie de Paris, Bernard Golse, pédopsychiatre et psychanalyste, fait l'éloge du Soutien au Soutien. À écouter sur : https://www.ac-paris.fr/portail/jcms/p1_2193449/03-fevrier-2021-bernard-golse
(à 26mn25 environ)
Pour se renseigner sur les groupes existants : voir contacts spécifiques
En 2022-23, on comptait
- 74 groupes au total
- 660 participants, principalement des personnels de l'Éducation nationale exerçant dans les 1er et 2nd degrés
La carte ci-contre montre la localisation de ces groupes
Qui sont les animateurs de groupe ?
Les premiers animateurs
Jacques Lévine a d'abord été le seul animateur de groupe de Soutien au Soutien, se déplaçant dans toute la France pour répondre aux demandes qui s'exprimaient ici et là. Il a ensuite sollicité quelques psychanalystes qui ont animé, eux aussi, des groupes et contribué avec lui à la réflexion sur la méthode.
Ensemble, à partir de leur expérience de ces animations, ils ont écarté l’idée de transmettre aux participants, de façon " scolaire", un savoir psychanalytique sur le développement de l’enfant et de l’adolescent ou sur des concepts de la psychanalyse ; ils ont proposé une méthode fondée sur la co-réflexion à égalité à partir des problèmes concrets du terrain. Le point de départ des séances est soit l’insatisfaction de ne pouvoir répondre aux problèmes posés, soit la satisfaction procurée par certaines initiatives. Dans ces deux cas, le rôle de l’animateur est de mettre son expérience de l’inconscient, du transfert et du contre-transfert, au service de la réflexion du groupe, mais dans des formulations auxquelles a été donné le nom de " langage intermédiaire ".
Quels animateurs aujourd’hui ?
En cohérence avec cette position, les animateurs et animatrices aujourd'hui ont pris le temps de se constituer le bagage nécessaire pour exercer la fonction d'animation au service d'une groupe. Ils et elles sont sensibilisés aux phénomènes de l’inconscient et formés à l’écoute psychanalytique ; certains sont psychanalystes ; tous sont formés à la méthode du Soutien au Soutien (les contrats, les quatre temps de la méthode) et au « langage intermédiaire ». Ils et elles se rencontrent régulièrement dans les séminaires de l’AGSAS pour, en co-réflexion, approfondir leur connaissance des différents champs théoriques de référence de l’AGSAS (cf. la Charte de l’AGSAS) et analyser leur pratique d’animateur.
Il existe actuellement environ 70 groupes qui se réunissent régulièrement, selon une adaptation par Jacques Lévine de la méthode BALINT à la fonction enseignante et au milieu enseignant et, plus généralement, aux métiers de l'humain. Selon les besoins, les demandes, et la disponibilité de nouveaux animateurs, l’AGSAS a vocation à ouvrir de nouveaux groupes.
La formation des animateurs (séminaire)
Les animateurs reconnus par l'AGSAS (novembre 2024)
Maria Teresa Sá
Flamme d'oiseaux
Andrea Mantegna
Détail Chambre des époux, Mantoue